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La chasse éternelle [Privé]

Chien
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Messages : 43
Date d'inscription : 02/05/2021

Profil Académie Waverly
La chasse éternelle [Privé] EmptyLun 10 Mai - 19:26
La chasse éternelle


Dans la nuit noire, épaisse et corrompue, les pas de la bête ne s’entendent pas. Au cœur d’une équipe de trois personnes, sans chef ni représentant, ils avancent en profitant des branchages et buissons pour rester les plus discrets possible. Sans prononcer un mot, sans psalmodier la moindre incantation lyrique, Chien prie la lune de les épargner. Une prière simple et rapide, répétée régulièrement pour éventuellement obtenir sa pitié. Le souffle est court, régulier, alors qu’elle avance sans se presser dans la terre meuble de la forêt. Les membres tremblant sous l’appréhension mais aussi la tension emmagasinée. Le bruit moite de la terre gorgée d’humidité, les broussailles bruissant sur leur passage. Les Monsteras sont proches, les traces du sol sont trop légères pour être celles d’un humain, trop allongées pour être l’œuvre de quelqu’un sujet à la gravité.

Quelques jours désormais que les créatures n’avaient pas été aperçues aux alentours directs des murs de la cité. Un temps certain, un temps rassurant pour la plupart des gens. Mais les Chasseurs doivent chasser, ils doivent surveiller et s’assurer que tout rentre dans l’ordre. La nuit finit toujours par se lever, et avec elle les dangers qu’elle représente. Chien n’avait jamais été du genre optimiste quant à la disparition soudaine et inexpliquée de ces nuisibles : rien n'apparaît ainsi sans raison du néant. Pas davantage que ces choses n’y disparaissent ainsi. Un geste dans sa vision périphérique la force à s’immobiliser soudainement. L’un des chiens a vu quelque chose, quelque chose de suffisamment significatif pour demander l’arrêt complet du groupe. Les éclaireurs se rassemblent à son niveau alors qu’il pointe une direction de l’index.

Là, un demi homme semble reposer contre un arbre. Le teint cireux, les yeux vitreux et les cheveux comme de la paille en bataille balayant son front. Sa tunique en partie déchirée au niveau de la ceinture semble avoir été ravagée par quelques animaux sauvages en quête de nourriture. Les joues creusées et les insectes festoyant par endroit sur son derme laissant deviner l’absence de fraîcheur du cadavre. « La tenue des Chasseurs. » Sa voix la surprend elle-même, sifflante et basse comme un souffle. Elle porte la main à ses lèvres pour se faire taire. Les voilà tous trois à scruter alentour en quête d’une ombre remuante, une preuve d’agitation quelconque. Ils n’étaient pas si éloignés de la cité, la retraite était encore une solution envisageable.

Le regard de la Sudite dérive sur le cadavre et ses bouts manquant. L’air fatigué figé sur son visage jusqu’à ce que ce visage disparaisse finalement. Chien ressent beaucoup de peine pour ce pauvre bâtard, délaissé contre un arbre en quête d’un dernier repos. Les épaules aussi épaisses que sa tête n’auront pas suffi à le protéger des dangers alentour. « Les Autres sont proches. On devrait filer. » Mais personne ne bouge, pas même la verdure environnante. Ensemble, ils regardent le malchanceux. « On peut pas le laisser là. » Jonas a les poings serrés, observant le gaillard comme s’il était son propre frère. L’enfer que sont les jeunes pleins d’honneur et de bonnes volontés. « On est des éclaireurs, on ramène pas des corps pour les charniers. »

Mais le troisième clébard, un molosse frôlant les deux mètres, observait toujours les alentours avec attention. On pourrait croire qu’il ne cligne pas. Il observe le bord opposé de la clairière, la main sur l’arbalète. Il n’y a rien là-bas et en dehors de la légère odeur de pourriture, il n’y a aucune trace de l’odeur caractéristique des Monsteras. Chien s’installe donc, observant à son tour. Mais Jonas s’avance dans la clairière sans attendre ses compagnons, décidé à aller visiter le cadavre sous les grognements désapprobateurs de ses congénères. Kellig saisit son arbalète pour se préparer à toute éventualité, très rapidement imité par Chien. Les limiers reniflent tandis que Jonas s'accroupit devant le macchabé un moment.

Très vite, l’évidence de ne pas pouvoir ramener son corps le frappe. Il le fouille, le regard brouillé par la vue traumatisante de l’homme meurtris et ses blessures mortelles. Bientôt, Chien le rejoint sans un bruit en continuant de surveiller les alentours. « On peut pas le trimballer, Jonas. Il devrait même pas être là. » La femme observe  le sol alentour, cherchant des clefs de compréhension. Elle fronce allègrement en reportant son regard vers le silencieux dans les fourrés. « Comment ça ? » Jonas se penche et finis par tirer sur le collier qui ornait encore sa gorge. Une pointe de flèche brisée montée sur une corde. « Le bas de son corps est pas là. Y a aucune trace montrant qu’il s’est trainé ici. C’est pas normal. Il faut filer. »

Il est des sons et des odeurs qui déclenchent des choses très précises dans le cerveau des gens. Des réactions viscérales, des impressions profondes et des souvenirs qui prennent le dessus sur beaucoup d’autres. Lorsqu’un râle reconnaissable émanant de Sud de leur position résonna, tous les éclaireurs dressèrent leurs armes dans cette direction sans chercher à comprendre. « Jonas. Recule. Maintenant.» Ce que l’enfant fait, sans se faire prier. Il part en courant pour rejoindre Kellig alors que la chasseuse progresse à reculons sans baisser son arme.


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Chien
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Profil Académie Waverly
La chasse éternelle [Privé] EmptyVen 4 Juin - 1:30
La chasse éternelle



Le silence s’est abattu sur la clairière comme un coup de hache, une fois que les pas du chiot eurent rejoint la garde du molosse. Chien, quant à elle, dresse toujours son arbalète devant elle avec inquiétude tout autant que perplexité. Les ombres s’agitent, au travers des ramures de ces jeunes arbres. Et sans glapir, le limier se retire dans le buisson voisin en retenant sa respiration. Le chant du vent s’élève alors, remuant la végétation alentour pour faire apparaître l’ombre qui rôde. Une seule, de la taille de deux adolescents l’un sur l’autre. Son visage est effacé, enfoui dans la brume de son propre corps alors qu’il tourne sur lui-même. Il cherche quelque chose : quelque chose qui a attiré son attention. Un chiot égaré venue pigner face au cadavre de son semblable, réflexe minable bien que logique.

Chien a plaqué sa main sur son visage avec assez de fermeté pour bloquer sa propre respiration. Le regard est brouillé par la sueur perlant à son front et ses membres tremblent assez furieusement pour l’avoir forcée à se retrouver le cul sur le sol dans l’espoir de n’être jamais trouvée. L’ombre cesse de virevolter, s’en retournant d’où elle vient en laissant derrière elle l’odeur du souffre et du fer ainsi qu’une trainée nuageuse à l’apparente toxicité. La terreur aura saisi les éclaireurs, l'appréhension pesant sur l’estomac aussi lourdement qu’un repas de cantine.

Mais l’ombre s’en va bien sagement. L’odeur disparaît, emportée par le vent, par l’humidité et la fraîcheur de la sève alentour. Le Chien se relève finalement, libérant sa violente prise sur le manche de son arme. Ses doigts lui font mal, mais elle ne s’en rendra pas compte ; pas immédiatement. Après une pause qui lui sembla d’une longueur exécrable, elle remonte la piste de ses camarades un peu plus haut pour les rejoindre. Tous deux portent l’effroi dans leurs regards, jusque dans leur teint valétudinaire. L’idée de blâmer le chiot lui traverse l’esprit, mais était-elle vraiment différente lors de ces premières expéditions en éclaireur ?

« C’est… c’est l’ombre qui a fait ça ? » Le chiot balbutie plus qu’autre chose, serrant ses armes comme un doudou dans un désespoir perceptible. Il voudrait qu’on le cajole et lui dise que tout allait rentrer dans l’ordre mais ça n’arrivera pas. « Non, c’est probablement un humain ou un autre chasseur. Un renégat serait plus probable vu là où on l’a trouvé. Sinon il serait pas dans cet état. » Il serait composé d’une brume âcre et presque palpable, probablement à la poursuite des leurs petites têtes à l’heure actuelle. Kellig lève la tête un instant pour regarder le ciel, observant la nuit toujours plus épaisse avec un dégoût certain avant de reporter son attention à Chien.

« Ouais, on ferait mieux de pas s’éterniser ici. La nuit est trop sombre et les Autres sont trop proches. Mieux vaut déguerpir et faire un rapport avec ce qu’on a déjà découvert. » Le Molosse dodeline une seule fois sans prononcer un mot, avec un enthousiasme à peine feint. Si les mots pouvaient franchir ses lèvres, il est évident qu’il accompagnerait son air méfiant de commentaires cinglants sur la mission en elle-même. Une mission que Chien comprend de moins en moins, par ailleurs. Pourquoi envoyer trois éclaireurs dans la nuit chercher des Monsteras qui ne sont pas un danger ?

L’équipe prend la route au travers des bois, avec souplesse et discrétion. Leurs pas à peine trahis par l’herbe qui ploie sur leur passage et par les branches qui cèdent sous leurs poids. Prudents, ils rebroussent chemin en jetant aux orties ces histoires stupides de gens de la ville voulant brosser leurs égos : l’honneur, le courage et l’abnégation n’étaient pas là les secrets pour survivre, bien au contraire. Ici, en ces terres dirigées par le danger, seul le lâche pouvait espérer retrouver les siens.

Les minutes s’égrènent à une vitesse folle et leur progression se fait lente, très lente. La présence de Monsteras redoublant leur prudence, les détours se multiplient sans cesse afin de s’assurer de rentrer à bon port pour faire son rapport. L’angoisse les rend muets, pour ceux encore capable de ne pas l’être. Même le chiot, dont le principal problème résidait dans son besoin de verbaliser ses pensées, avait trouvé le charme du silence plus séduisant que la promesse d’une mort lente et douloureuse. C’est alors que Chien la remarqua : cette lueur au loin. Une lueur étrange qui les faisait encore s’éloigner de la cité et du campement. Une lueur rougeoyante dénotant sans doute d’un feu. « Qui peut bien être assez sot..? » La phrase de Chien reste en suspens dans sa gorge, se contentant de serrer les dents avec dédain. Elle observe le bas de la colline qu’ils surplombent, à l’opposé. « La ville est par là. A ce rythme, nous devrions l’atteindre d’ici le milieu de la nuit. ».

Mais encore une fois, le chiot s’offusque. « On ne va pas voir ? C’est notre boulot... » Le limier grogne, le molosse roule des yeux dans leurs orbites. Tout deux n’aspirent qu’à rentrer chez eux. « On doit aller voir, c’est inhabituel ! » Chien souffle par le nez, le cynisme dégoulinant de chaque mot « Si t’en parles pas aux gradés, je le ferais pas. Et Kellig non plus dira pas un mot. » L’intéressé lui colle un coup de coude en ricanant, pour le principe plus que pour marquer son désaccord véritable. Mais le chiot ne trouve pas ça drôle. Il les fixe avec horreur, l’un après l’autre sans plus rien dire.

« Ecoute Gamin, notre boulot c’est d’aller en éclaireur voir ce qu’il se trame ici. On a trouvé des traces de déserteurs, probablement plusieurs pour avoir fait ça à ce pauvre gus. On fait demi-tour et on fait notre rapport. Rien ne nous dit que ce ne sont pas eux, là-bas. Tu tiens tant que ça à mourir ici ? » La brune se fait le plus discret possible, mais son ton semble légèrement agacé. Parce qu’il discute trop, qu’il parle trop fort. Il met l’équipe en danger, à plusieurs reprises. Mais elle sait ce que c’est. Elle sait qu’il le fait parce qu’il veut aider, qu’il est de bonne volonté. Elle sait qu’il n’est qu’un chiot naïf, qui veut simplement qu’on lui gratouille l’arrière de l’oreille.

« Ces gens ont peut-être besoin d’aide, renégat ou non. Les Monsteras sont proches, il vaut mieux aller voir si ce ne sont pas des marchands. S’il le faut, j’irai seul. Je serais plus discret qu’à nous trois, ensemble. » La solution fait hausser les sourcils des deux compagnons avec raisons : la surprise est difficile à feindre dans la situation actuelle. Qui pouvait se vanter d’un aussi grand cœur de nos jours ? Certainement pas elle, et certainement pas Kellig. On ne se fait pas couper la langue par altruisme, en général. Un soupir conjoint vient vider leurs poumons avant que Chien ne pose un genou au sol pour compter ses carreaux restants. Elle n’en avait pas tiré un seul, mais l’idée de se rappeler précisément combien était rassurant pour elle.

« Tu serais capable de te faire tuer sur le chemin pour y aller, hors de question. Soit un bon chiot et vérifie tes armes et tes huiles. » Kellig l’imite également, passant en revue l’état de ses armes sans cesser de regarder au loin la source de lumière et la fumée en émanant. Cette histoire sentait mauvais. Très mauvais.



(c) AMIANTE

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Profil Académie Waverly
La chasse éternelle [Privé] EmptyVen 18 Juin - 23:21
La chasse éternelle



Le silence régnait en maître sur la petite congrégation d’éclaireurs. Les soldats, certains plus entraînés que d’autres, passent en revue l’état de leurs armes pour se préparer à toute éventualité. Aucun d’entre eux ne souffle, ne siffle ou ne chante. Seul le bruit du fer et du bois qui s'entrechoquent résonne dans l’air lourd de la nuit à l’obscurité quasiment impénétrable. Une concentration quasiment religieuse qui, doucement, mène la Chasseuse sur les abords de son village, ou du moins ce qu’elle n’a pas oublié. Doucement, entre certaines de ses prières, se forment les roches noires des plages de Suderia mouchetés de sable et des marques des marées.

Elle entretient une relation confuse avec la mer, ses vagues et ses algues. Elle les observe avec cette haine mélangée de nostalgie, l'envie d’y plonger comme de l’envie de l’assécher. Elle qui aura vu ses guerres enfantines à grands renforts de bâtons et de coquillages de la taille de leurs torses. Elle qui aura regardé dans les yeux l’enfant désespéré qui se demandait s’il ne valait pas mieux disparaître dans l’écume lorsque ses geôliers eurent tourné le regard. Des pensées bien sombres pour un être aussi jeune, des expériences bien plus dévastatrices pour quelqu’un d’aussi naïf et un destin tragique pour quelqu’un d’aussi fort aujourd’hui.

Elle est au cœur de la forêt mais elle contemple les vagues plus hautes que les maisons de son enfance ; ces flots déchaînés des tempêtes spectaculaires que peuvent connaître le Sud du monde ; le vent violent qui vous fouette le visage aussi sûrement qu’un martinet dans les mains d’un marchand d’esclaves ; les lueurs sombres du soleil qui pourtant tente de traverser les épais nuages noirs qui recouvrent le ciel. Chien se rappelle de tout cela avec émotion mais beaucoup de calme. Elle semble capable de ralentir son pouls de cette manière, éclaircir ses idées et recouvrer le contrôle de son corps et de ses réflexions.  

« Bon... » Pas de suite à cette phrase qui reste en suspens alors qu’elle avance d’arbre en arbre pour reprendre la route. Les compagnons ne brisent quant à eux pas le silence, se contentant de suivre tout en couvrant le reste des environs du regard en y pointant leurs armes. Ici, les arbres sont presque tous centenaires et dépassent de plusieurs mètres les autres bien plus proches de la cité. Les premières branches sont assez hautes pour conserver une bonne visibilité sur ce qui se dresse en avant : un avantage et un inconvénient pour les éclaireurs.

En ligne, dans le champ de vision de chacun, ils progressent sur les feuilles mortes et les champignons aux couleurs de pierres dans un silence de mort. La vie nocturne semble avoir déserté les lieux, ou du moins les environs. Trop concentrée sur ses propres bruits et le besoin de lâcher des jurons dans ses pensées, le visage de Chien reste inchangé alors qu’ils progressent de plus en plus dans la forêt à vitesse respectable : se dépêcher était nécessaire, mais il ne fallait pas non plus manquer de prudence. La mort n’était pas du genre à s’impatienter ; guettant la moindre erreur de parcours ou la moindre maladresse pour fondre sur ses victimes.

Le chiot trottait à bonne vitesse derrière le molosse qui, toutes dents dehors, s’assurait de couvrir les angles morts du limier en avant de la procession. Chacun psalmodiant dans sa tête des prières à différents Dieux, demandant différentes grâces mais toutes dans l’unique but de pouvoir survivre à tout ça. Tout droit provenant de pays différents, parlant différentes langues mais toujours unis dans la catastrophe. Bientôt, le bruit d’un feu se fait entendre. Un feu rageant, incontrôlé, s’embrasant dans les arbres et probablement plus profond encore. La fumée est épaisse et claire, provenant sans doute d’installations en bois et des arbres alentour. Pour voir la lumière de là où ils étaient plus tôt, ce ne pouvait être rien d’autre qu’un incendie de toute manière.

Chien fait signe à ses camarades de s’immobiliser derrière, de peur qu’ils ne se fassent remarquer. La forêt étant dépourvue de zone de couverture, les quelques arbres assez épais pour les accueillir suffiraient sans doute à leur fournir une cachette en attendant d’en savoir un peu plus. Mais rien de bon ne pouvait provenir d’une situation pareille. L’odeur était très forte, avec de légères teintes de muguets et de cèdres sans doute ou du chêne pour ce qu’elle était capable de reconnaître. Une odeur qui tiendrait éloigné les Monsteras pour un temps ; un temps dramatiquement court vu leur emplacement et l’environnement autour.

De sa place de choix, Chien commence à compter sur ses doigts. Elle dresse la main bien haut et forme les lettres avec soin sur sa bouche. Elle observe et compte les personnes présentes, les personnes visiblement armées, en montrant sa pogne dressée à ses camarades. Lorsque ses cinq doigts furent levés, que le Molosse avait déjà refermé sa propre main sur son arme, elle leva une deuxième main pour continuer de compter. Le chiot se décomposait, paniqué. Réalisant son erreur et le danger s’annonçant. Qui que ce soit là dehors, avec ce matériel là, ce n’était pas des gens souhaitant recevoir de la visite.

Mais ils étaient occupés à panser leurs blessés, à s’organiser pour contenir le feu au milieu des cris perçants et des ordres aboyés ci et là : des chiens sans maîtres, des traîtres sans biens. L’amertume prit donc le pas sur le goût du fer qui inondait déjà la langue du limier. Des renégats essayent de mettre les voiles, sacrifiant ceux qui doutent ou ceux qui refusent de perdre le peu qu’ils ont déjà. De braves lâches, des gens sans respect. Oublier l’honneur, oublier les principes pour survivre est une chose que la Suderienne comprend aisément. Savoir faire des sacrifices au sein de sa propre âme pour survivre est une chose. Mais s’ils étaient les auteurs du pauvre homme coupé en deux à quelques kilomètres de là, c’était le respect de la vie et des autres qui leurs manquait cruellement.

Mais il faut s’en aller et vite, les Monsteras ne resteront pas loin bien longtemps. Chien essaye de rappeler ses camarades à l’ordre, qu’ils mettent les voiles sans tarder et surtout sans se faire repérer, mais les mouvements du feu et le jeu d’ombre rendent la visibilité très étrange et difficile, sans parler de la fumée qui s’en mêle. De là où elle est, elle ne peut que deviner le Molosse, et encore davantage le Chiot. Elle l’imagine déjà terrifié et pleurnichant, mais se garde bien de tout commentaire : aussi agaçant qu’il puisse être à ses yeux, c’était un enfant qu’il fallait ramener. Un pauvre gosse encore rempli d’idéaux et de principes.

La Chasseuse s’apprêtais à s’avancer lorsqu’un sifflement perçant traversa la fumée dense pour se planter là ou sa tête se trouvait quelques secondes auparavant, coupant une mèche de ses cheveux dans sa course. Un son puissant de cor retentit alors dans la nuit, au milieu du brouhaha des flammes crépitantes et des jurons bourrus des traitres agités. Ils étaient bien plus nombreux, une escouade entière et probablement pas des éclaireurs en la matière. Il va falloir courir, et vite.

Chien s’élance à la rencontre des ombres de ses camarades, disparaissant aux yeux de son adversaire qui décida de simplement envoyer une nouvelle flèche au hasard sans franc succès. Quelques pas et la voilà déjà derrière l’imposante masse du Nordiste, rejoignant le Chiot qui tremble de tout son corps. Elle dépose une pogne sur son épaule, voix pressante, essayant de le rappeler à l'ordre « On s’en va. Maintenant ! » Il se tourne vers elle, blanc comme un linge de mariée. Le regard sombre, si sombre qu’on pourrait y recueillir la détresse du monde.

Contre l’arbre est appuyé le Molosse, qui glisse contre la racine et se retourne vers la femme. La gueule ouverte et le regard figé vers le lointain. Probablement dans la direction qu’à pris son âme lorsque l’énorme épée a traversé son torse en brisant sa cage thoracique et emportant une partie de ses poumons et de son cœur avec. Le cadavre d'un imposant gaillard gît sans vie à ses pieds, la tête dans un angle désagréable à regarder. Il n’est pas encore parti, pourtant. Son visage incrédule, choqué, se tourne vers celui de Chien jusqu’à ce que ses yeux traversent les siens. Le cœur du limier frappe si fort dans ses oreilles qu’elle n’entend même plus la ferveur de l’alerte, la fureur sauvage de l’incendie.

Le Molosse est mort.


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